En 2012, lors du début des travaux de terrassement, le chantier a été découpé en 16 sections. Conformément à la réglementation, a été constitué pour chacune d’entre elles un collège interentreprises (CISSCT)(1) destiné à s’assurer de la sécurité des salariés, notamment dans le cadre de la co-activité des entreprises intervenantes. Présidé par le coordonnateur SPS (2), chaque CISSCT réunit à minima tous les 3 mois le maître d’œuvre (COSEA), les représentants des sous-groupements d’entreprises intervenant sur la LGV, les représentants de salariés ainsi que l’inspection du travail et les préventeurs (CRAM, OPPBTP).
Très vite il est apparu nécessaire pour les inspecteurs du travail appartenant aux 3 DIRECCTE (Aquitaine, Poitou-Charentes, Centre-Val de Loire) concernées par la LGV de coordonner leur action en vue d’harmoniser leurs pratiques de contrôle. C’est la DIRECCTE Poitou-Charentes, proche du siège de COSEA basé à Poitiers, qui a pris l’initiative d’animer un comité inter-régional de coordination des services d’inspection du travail associant également des représentants de la CARSAT et de l’OPPBTP.
« Ce comité se réunit chaque trimestre juste avant la tenue du CISSCT central qui a été créé à notre demande pour l’ensemble du chantier « précise Guillaume Schnapper, responsable du pôle « travail » à la Direccte Poitou-Charentes. « Nous passons en revue les observations émises par chacun lors des CISSCT locaux et statuons sur une position commune que je défends en CISSCT central. Nous avons ainsi plus de poids d’autant que je rencontre également régulièrement la DRH de COSEA et prend soin de lui rappeler les priorités du ministère concernant le travail de nuit, le travail illégal et bien sûr la prévention des risques ».
Prévenir les chutes de hauteur
Lors de la phase « infrastructures », de nombreux corps de métiers (coffreurs, maçons, soudeurs, charpentiers métalliques, foreurs…) sont intervenus pour la construction d’ouvrages d’art (ponts, viaducs, estacades…) dans des conditions parfois difficiles. La prévention des risques de chutes de hauteur est ici primordiale. 170 points de rencontre secours (PRS) ont été définis aux abords du chantier, le long d’axes routiers afin de permettre une intervention rapide des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) en cas d’accident. Des plans de secours, géo localisant ces PRS ont été distribués aux chefs d’équipes et des exercices de secours sont régulièrement organisés pour tester les procédures d’évacuation des blessés.
Durant cette période, étaient conduits simultanément de nombreux micros chantiers sur ligne qui comportaient 29 bases travaux intégrant bureaux, vestiaires, zone de stockage, déchetterie, laboratoire et garages pour réparer les engins. « En dépit de ces installations, nous avons très souvent constaté l’absence d’équipements mobiles (sanitaires, cantine…) suffisamment proches du lieu d’intervention des ouvriers » poursuit Didier Labruyère. « Le non-repérage des réseaux enterrés –eau, électricité, gaz, télécom- est aussi un facteur d’accident potentiel. La dérivation des réseaux nécessitée par le tracé de la LGV oblige à être vigilant sur les déclarations de travaux faites aux concessionnaires. En Charente, un ouvrier est tombé sur un câble qui était encore sous tension et le drame a été évité de justesse ».
Autre risque identifié : le volume sonore très élevé près des machines de dépose du ballast ou dans les tranchées couvertes. « Le médecin du travail a procédé à des mesures du niveau de bruit dans la tranchée de Veigné longue de 1,7 km. En cas de volume excessif, il est demandé aux salariés de mettre impérativement des protections auditives –bouchons d’oreilles- ou des casques adaptés ». Constatant une hausse sensible depuis avril 2015 des constats de non-respect de port des équipements de protection individuelle (EPI : casque, lunette, gants, protections auditives…) des rappels à leur port obligatoire ont été fait à toutes les équipes lors des « quarts d’heure sécurité ».
Par ailleurs début 2014, COSEA a décidé d’instaurer pour ses salariés des séances d’échauffement musculaire à la prise de poste et des séances d’étirements en fin d’intervention. Si les retours des personnels sont plutôt positifs, en revanche, le CISSCT a pris acte qu’il était difficile d’imposer de telles mesures à toutes les entreprises sous-traitantes, a fortiori si les dirigeants de ces entreprises ne s’impliquaient pas fortement. S’agissant enfin du groupement d’entreprises « Signalisation-Télécom », ce dernier a pris l’initiative de distribuer à tout nouveau salarié, en plus de son livret d’accueil métiers, un livret d’accueil projet mettant en exergue les procédures collectives de prévention des risques.
Lutter contre le travail illégal
« Sur la question du recours à des travailleurs détachés venant d’autres pays européens, nous avons été très clairs avec le maître d’œuvre » affirme Guillaume Schnapper, responsable du pôle « travail » à la Direccte Poitou-Charentes.
« Nous leur avons tout d’abord précisé tous les contours de la législation qui venait d’évoluer et qui, à certains égards pouvait apparaître complexe, puis nous leur avons indiqué que nous serions intransigeants à la moindre situation illégale ». De fait, très peu de fraudes ont été à déplorer.
« Nous avions remarqué qu’une entreprise mandatée pour la pose de clôture faisait appel à une entreprise d’intérim roumaine » relate Didier Labruyère, inspecteur du travail à l’Unité territoriale d’Indre et Loire de la DIRECCTE Centre-Val de Loire.
»Or, il s’est avéré que cette dernière n’exerçait pas une véritable activité d’intérim en Roumanie. Très vite COSEA a fait en sorte que le recours à des travailleurs roumains soit aussitôt stoppé ». L’attention particulière portée par le maître d’œuvre sur le sujet s’explique si l’on sait que beaucoup d’entreprises locales estiment ne pas suffisamment bénéficier des retombées du chantier. Dans ce contexte, l’annonce d’une fraude massive à la prestation de services internationale (PSI) aurait été fortement préjudiciable pour son image.
Le détachement d’un grand nombre d’ouvriers portugais, spécialistes du ferraillage et du coffrage, s’est même traduit par une collaboration accrue entre les services d’inspection du travail français et portugais. En novembre 2013, des inspecteurs portugais sont venus visiter le chantier et ont pu échanger avec leurs homologues français.
« L’occasion de comprendre avec leur appui, les subtilités d’une fiche de paye et d’un contrat de travail portugais » se souvient Didier Labruyère.
« Nous avions mis à jour une pratique frauduleuse qui consistait pour les employeurs portugais à inclure dans le salaire de leurs travailleurs détachés une allocation de détachement sur laquelle aucune cotisation sociale n’était perçue ».